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le souverain et ses représentants : elles acceptent avec déférence leurs enseignements ou leurs ordres ; et elles imposent à leur tour, dans le gouvernement local (§ 68), dans l’atelier (§ 19) et dans la vie privée (§ 67), la pratique du bien aux populations dressées elles-mêmes, par la tradition, au travail et à l’obéissance. Il semble qu’on ne peut mieux désigner cette organisation qu’en l’appelant Régime de contrainte. Ce régime, même avec une doctrine et une pratique imparfaites, a souvent donné de grands résultats. La Russie, qui réunit la plupart des caractères assignés ci-dessus à la prospérité (§ 7), en offre de nos jours un exemple. Jusqu’en 1861, elle l’a appliqué, avec des formes dures, à l’organisation du travail. Elle continue à imposer, au besoin, par la force du bras séculier, la pratique du culte national. Elle a ainsi donné d’énergiques croyances à ses populations : elle leur a inculqué notamment, en présence de la mort, une sérénité qui frappe tous les observateurs[1].

  1. Un rapport officiel résume, dans les termes suivants, les observations faites sur les morts abandonnés par l’armée russe, sur le champ de bataille de l’Alma.
    « La plupart des morts avaient l’air empreint de calme et de pieuse résignation. Quelques autres semblaient avoir la parole sur les lèvres et sourire au ciel avec une sorte de béatitude exaltée. L’un de ceux-ci surtout attira toute mon attention, et je ne pouvais me lasser de le faire remarquer aux personnes qui m’accompagnaient : il était couché un peu sur le côté, les genoux fléchis, les mains levées et jointes, la tête renversée