Page:Le Play, L’Organisation Du Travail, 1893.djvu/406

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gions sur des traditions patriarcales ou féodales, la corruption ne saurait non plus venir des gouvernants, puisque chaque famille, quel que soit son rang, ne peut subsister qu’en restant isolée dans le pâturage nécessaire à la nourriture de ses troupeaux. La religion naturelle s’imprime en quelque sorte dans les âmes d’élite, pendant les méditations de la vie pastorale, à la vue des grands spectacles de la nature[1] ; elle se conserve dans chaque famille, par le ministère d’un de ses membres[2], sans le concours d’un

  1. C’est au sein de l’une des races sorties de la steppe asiatique que le judaïsme et le christianisme ont été révélés. C’est également parmi ces races que se sont développés les divers systèmes religieux de l’ancien monde. Tous les voyageurs qui ont vécu dans cette région ont aperçu la connexion intime de la religion et de la vie pastorale.

    « Ces bons Mongols ont l’âme essentiellement religieuse ; la vie future les occupe sans cesse, les choses d’ici-bas ne sont rien à leurs yeux ; aussi vivent-ils dans ce monde comme n’y vivant pas. Ils ne cultivent pas la terre, ils ne bâtissent pas de maisons ; ils se regardent partout comme des étrangers qui ne font que passer ; et ce vif sentiment, dont ils sont profondément pénétrés, se traduit toujours par de longs voyages. » (L’abbé Huc, Voyage en Tartarie, t. Ier, p. 48.) — Pendant la croisade de saint Louis, la bonne renommée des pasteurs de l’Asie centrale parvint jusqu’aux Français. (Joinville, Histoire de saint Louis, XCIII.)

  2. « Cette armoire tient aussi lieu d’autel à une petite idole de Bouddha. Neuf vases en cuivre, de la grosseur et de la forme de nos petits verres à liqueur, sont symétriquement alignés devant Bouddha… quelques livres thibétains, enveloppés de soie jaune, complètent l’ornement de la petite pagode. Les membres de la famille dont la tête est rasée, et qui gardent le célibat, ont seuls le privilége de toucher ces livres de prières. » (L’abbé Huc, t. Ier, p. 61.)