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suite dans le gouvernement des sociétés. En cela on s’abuse singulièrement ; car il y a contraste plutôt que similitude entre les deux genres de phénomènes. Comme je l’ai indiqué ailleurs[1], la science des faits matériels est sans bornes : elle est toujours mise à profit avec empressement ; et, lorsqu’elle fait défaut, elle est souvent devancée par la pratique[2]. La science des faits moraux est, au contraire, d’une simplicité extrême : elle se réduit, à vrai dire, au Décalogue interprété par la pratique de Jésus-Christ. Il en est de même de l’art de gouverner qui, selon l’enseignement de la Nouvelle-Angleterre (§ 8, n. 9), se résume, à vrai dire, en une règle unique : imposer aux peuples la pratique des dix commandements et l’autorité de la coutume. Or, après dix-huit siècles de christianisme, les peuples les plus moraux restent encore, en ce qui touche cette pratique, à une distance infinie de leur divin modèle. Ceux qui sont tombés dans la corruption s’égarent donc étrangement lorsque, au lieu d’imiter les peuples les plus prospères, ils prétendent inventer des principes et des procédés de gouvernement supérieurs à ceux dont ces peuples se contentent.

Ces deux erreurs aggravent beaucoup les six

  1. La Réforme sociale, t. Ier, p. 15.
  2. Ibidem, t. Ier, p. 16.