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écrivains de notre temps. Sous ces influences, l’esprit public s’est perverti ; et, selon l’assertion d’un de nos modernes historiens, les convictions en matière d’histoire devraient être renouvelées à fond (§ 10, n. 2). Les Français tiennent maintenant en profond mépris les institutions et les mœurs de l’ancien régime social. La vieille France leur est aussi antipathique que la vieille Angleterre (old England) est chère à tout Anglais. Égarés par des assertions fausses et banales, ils se persuadent que la grandeur de la nation date seulement de 1789 : et ceux mêmes qui souffrent le plus du malaise présent, contestent qu’on puisse faire aucun emprunt utile au passé.

Ne voulant rien fonder, ni sur les bonnes traditions de leurs aïeux, ni sur les meilleurs exemples de leurs émules, les Français se trouvent forcément amenés à une dangereuse conclusion. Ils croient avoir la mission de créer de toutes pièces une nouvelle organisation sociale, et ils sont particulièrement poussés dans cette voie par l’abus du mot progrès (§ 58). Sous cette inspiration sont nés, depuis 1830, les systèmes chimériques qui agitent stérilement tant d’esprits. À une époque où des inventions utiles transforment rapidement l’ordre matériel, on se persuade volontiers que des succès analogues peuvent être obtenus dans l’ordre moral, et par