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absolument cette entente préalable : car, au milieu d’un antagonisme dérivant d’un long oubli de la tradition, d’erreurs invétérées et d’idées préconçues, nous ne consentirons point à nous unir pour résoudre les six difficultés que je viens de signaler. Nous tenterons encore de régir la nation par des mouvements de bascule opérés au moyen de textes contradictoires. Nous dépenserons ainsi en agitations stériles et en discussions scolastiques l’activité qui succède périodiquement à de longues époques de torpeur. Nous reviendrons sans cesse à la prétention chimérique de réformer les idées et les mœurs, non par un retour spontané à la Coutume et au Décalogue (§ 4), mais par les prescriptions d’une nouvelle constitution écrite[1]. On fera nommer successivement nos magistrats par le souverain ou par le peuple : mais on ne s’inquiétera guère d’alléger, pour le public, le poids de leur autorité ; on ne songera point surtout à créer des races d’hommes qui puissent utilement l’exercer. Plus funestes

  1. « L’homme ne peut pas plus donner une constitution à la société religieuse ou politique qu’il ne peut donner la pesanteur au corps, ou l’étendue à la matière. Bien loin de pouvoir constituer la société, l’homme, par son intervention, ne peut qu’empêcher que la société ne se constitue, ou, pour parler plus exactement, ne peut que retarder le succès des efforts qu’elle fait pour parvenir à sa constitution naturelle. » (De Bonald, Théorie du pouvoir, Paris, in-18, 1796, t. Ier, p. III.)