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comme les privilèges sont l’écueil des autres gouvernements. Ces causes ont peu de prise sur les populations composées de familles-souches rurales, vouées à une existence modeste et pénétrées du respect de Dieu[1] ; elles agissent avec une influence irrésistible sur les pauvres accumulés dans les grandes villes, au contact de tous les excès de la richesse. Ce dernier cas est déjà fréquent en Amérique, et il y entraîne des désordres qui sont relativement rares dans les États européens. Il est digne de remarque que les mœurs de la race anglo-saxonne ont décliné sous la démocratie américaine, dans le temps même où, sous la monarchie anglaise, elles éprouvaient une amélioration considérable (§§ 30 et 31).

Nos orateurs et nos écrivains commettent donc une grande méprise lorsqu’ils nous recommandent, sous le nom de démocratie, un système de gouvernement qui n’a jamais existé en Grèce, et qui compromet aujourd’hui les destinées de l’Amérique du Nord. Ce régime a, au contraire,

    dans l’Union, conserva pour la moitié des biens la pratique du partage forcé. Cette abolition d’un élément essentiel à la Coutume m’explique en partie la décadence morale que la race anglo-saxonne subit maintenant aux États-Unis, beaucoup plus que dans les autres parties du monde.

  1. M. A. de Tocqueville a excellemment démontré comment les croyances religieuses sont plus indispensables aux démocraties qu’aux autres gouvernements. (Voir § 39, n. 10.)