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venir, soustraire la nation aux maux que lui infligea l’ancienne hiérarchie en décadence. Ils veulent que les classes vouées aux travaux productifs exercent sur les gouvernants et les classes dirigeantes des contrôles qui furent interdits à cette triste époque. À ce point de vue, ils ont été conduits à désirer les gouvernements dits démocratiques qui, selon les assertions réitérées d’une littérature contemporaine, auraient créé la gloire de l’ancienne Grèce et la prospérité présente des États-Unis. Cette impulsion a été imprimée aux esprits par deux hommes éminents : au XVIIIe siècle, par Montesquieu ; sous le gouvernement de 1830, par M. A. de Tocqueville. Mais il est facile de montrer qu’elle ne s’accorde point avec les faits exposés par ces grands écrivains.

Les traits cités par Montesquieu, à l’appui de sa définition de la démocratie[1], sont tous empruntés à l’ancienne Grèce ; mais rien n’indique que, dans sa pensée, ce régime fût applicable à un grand État européen. Cette réserve est justifiée par les descriptions que nous ont laissées les auteurs anciens touchant l’état social

  1. « Lorsque, dans la république, le peuple en corps a la souveraine puissance, c’est une démocratie. Lorsque la souveraine puissance est entre les mains d’une partie du peuple, cela s’appelle une aristocratie. » (De l’Esprit des loix, liv. II, chap. ii.)