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loin pour introduire dans nos institutions des applications utiles de ce principe s’inspirent de l’esprit de parti et de l’antagonisme social plus communément que d’une généreuse répugnance contre le monopole, le privilège et les autres inégalités injustifiables ; et lorsque ces sortes de réformes ne sont pas commandées par la passion politique, elles sont indéfiniment différées par l’erreur ou le préjugé[1]. De cette contradiction entre la doctrine et la pratique naît, au sein des classes supérieures[2], un état général d’hypocrisie et d’irritation. Cette disposition des esprits engendre naturellement, dans les ate-

  1. Il s’est présenté dans le cours des dernières années plusieurs occasions de vérifier l’exactitude de cette remarque. On accomplit aisément une réforme peu utile, si elle peut accroître la force agressive de l’esprit de révolution ; et tel a été le cas pour la liberté des coalitions (loi du 25 mai 1864), qui est plus conforme à une notion abstraite d’équité qu’au véritable intérêt des ouvriers. Au contraire, malgré des nécessités fort urgentes, on n’a pu restaurer encore, en ce qui touche les rapports des citoyens et des fonctionnaires, les plus légitimes aspirations de l’esprit d’égalité. (La Réforme sociale, t. II, p. 387.)
  2. Cette expression a le sens très-net adopté dans la Réforme sociale (R). Dans toute société il existe, au-dessous et au-dessus d’une masse intermédiaire plus ou moins nombreuse, deux classes distinctes : la classe inférieure, qui est obligée, par une nécessité impérieuse, de concentrer toute sa sollicitude sur ses propres intérêts ; la classe supérieure, qui se dévoue à l’intérêt public. À ce point de vue, beaucoup de riches qui ne pensent qu’à eux-mêmes sont fort inférieurs aux pauvres qui ne peuvent subvenir à leurs propres besoins. Mais les riches qui font leur devoir n’en sont que plus dignes du respect que leur refuse un coupable esprit de nivellement.