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comme la circulation du sang anime le corps humain. L’amélioration se produirait sans relâche en vertu de cette force ; et les peuples en tireraient profit, sans être tenus de s’imposer les durs sacrifices qu’exige la pratique du travail et de la vertu. Ce fatalisme du bien n’est pas moins dangereux que l’idée d’un destin créant indifféremment le bien et le mal. La fausseté de cette conception est d’ailleurs démontrée par l’état actuel de nations qui, après avoir brillé au premier rang, ont successivement perdu, avec l’ordre moral, toutes leurs éminentes aptitudes. Cette erreur, alors même qu’elle n’est pas dans la pensée de ceux qui abusent du mot progrès, se présente naturellement à l’esprit des classes peu éclairées qui l’entendent répéter sans cesse. Elle est d’ailleurs séduisante : ceux, en effet, qui font le mal, sans perdre tout sentiment du bien, sont heureux de se persuader qu’en s’abandonnant à leurs passions ils ne compromettent pas les destinées de leur race.

Le faux dogme du progrès a une contrepartie : celle qui proclame la décadence fatale et irrémédiable des nations, après une courte époque de prospérité. Cette autre forme de l’erreur est fort répandue chez nous, et elle porte au découragement beaucoup d’hommes réfléchis. Mais en général le faux dogme de la décadence fatale des nations reste dans le secret