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empêcherait même de créer une meilleure Coutume, si celle qui règne depuis les premiers âges n’était pas fondée, comme le Décalogue, qui en est inséparable, sur la nature même de l’humanité. La famille-souche, basée sur la liberté testamentaire, assure à la race tous les avantages de la fécondité. Elle fait une large part, dans les nouvelles familles, à l’esprit d’innovation ; mais elle conserve, dans les maisons anciennes, les avantages moraux et matériels qui se transmettent avec le culte des tombeaux, les affections du foyer et la Coutume de l’atelier. Elle a fourni dans tous les temps et offre encore aujourd’hui les meilleurs types des sociétés européennes[1]. C’est du sein des familles-souches les plus modestes que sortent habituellement, grâce au dévouement et aux sacrifices des parents et de l’héritier, les grands talents et les grandes

  1. Voir la description spéciale de la famille-souche (la Réforme sociale, t. Ier, p. 434-448). Avant la révolution, la famille-souche offrait, en France, des caractères excellents qui excitèrent souvent l’admiration des voyageurs. J’emprunte le trait suivant à un Anglais, Arthur Young, qui, ayant adopté nos passions révolutionnaires, vit son ouvrage traduit, en 1793, par ordre du comité de salut public. « Quelques-uns des hôtels de Paris sont immenses, par l’habitude des familles de vivre ensemble, trait caractéristique qui, à défaut des autres, m’aurait fait aimer la nation. Quand le fils aîné se marie, il amène sa femme dans la maison de son père ; il y a un appartement tout prêt pour eux ; si une fille n’épouse pas un aîné, son mari est reçu de même dans la famille, ce qui rend leur table très-animée. On ne peut, comme en d’autres circonstances, attribuer ceci