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diminution des fatigues du travail, l’accroissement des jouissances et les autres avantages qui se rattachent au bien-être physique tendent, pour la plupart, à affaiblir les forces qui font régner la vertu. Ces changements, que le cours naturel des choses amène dans l’existence d’un peuple civilisé, rappellent ceux que l’histoire nous signale chez certains peuples transportés des rudes contrées du Nord sous les fertiles climats du Midi. Les mâles vertus qu’entretenaient les privations et les luttes constantes contre la nature, ont été bientôt remplacées par la corruption et la mollesse, filles de l’abondance et de l’oisiveté. Les améliorations qui se montrent de toutes parts dans les villes et les campagnes de l’Occident sont loin de s’étendre au cœur ou à l’esprit de leurs habitants ; souvent même les avantages en sont balancés par un accroissement de la misère. Le mot progrès matériel exprimerait fort imparfaitement le mouvement plein de contrastes auquel nous assistons : le mot progrès, que nous entendons chaque jour proclamer seul, donne une idée positivement fausse et dangereuse.

Dans la pensée de ceux qui invoquent sans cesse le progrès, ce mot fait allusion à un ordre de choses chimériques qui n’a aucun rapport avec la réalité. Il se réfère à une force occulte, à un aveugle destin, qui grandirait les nations,