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§ 58

L’ABUS DU MOT PROGRÈS.

Il se présente à première vue quelques motifs pour employer le mot progrès dans un sens général et absolu : c’est pour désigner les améliorations matérielles accumulées, dans le régime du travail, pendant les époques qui offrent une certaine continuité et qui ne sont point brusquement interrompues par quelque grand cataclysme social. L’invention qui crée un produit, celle qui diminue le travail de la production en soumettant à l’homme les forces de la nature, et, en général, les perfectionnements du même genre que chaque jour voit éclore, sont, en effet, les évidents symptômes d’une tendance continuelle vers le mieux. Ces perfectionnements ne sauraient être délaissés, dès qu’une fois on en a constaté les avantages ; et, lorsqu’on les considère isolément, ils semblent justifier la prétendue loi du progrès. Mais il en est autrement lorsque l’on tient compte, en outre, de l’état moral des sociétés[1]. Les mêmes instincts qui portent à respecter les lois du monde matériel conseillent, pour la plupart, d’enfreindre celles du monde moral. D’ailleurs la

  1. La Réforme sociale, t. Ier, p. 17.