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On commet donc une profonde erreur lorsqu’on signale la liberté comme la source de tout bien, comme un principe supérieur à tous les autres et même à la loi morale. On suscite, en réalité, chez les peuples la guerre des intérêts et la confusion des idées. On provoque une décadence générale en pervertissant les classes peu éclairées, c’est-à-dire en leur donnant lieu de croire qu’elles peuvent s’abandonner sans scrupule à toutes les impulsions qui ne sont point formellement punies par la loi.

On voit dans certaines réunions de Paris de tristes exemples de cette aberration, depuis que des lois récentes ont rendu la liberté à la presse et à la parole (J).

On a souvent dit que les désordres produits par ces déclarations imprudentes et par l’exagération de la liberté avaient pour correctif nécessaire et pour remède infaillible l’autorité des gouvernants. Suivant cette théorie, il existerait dans le gouvernement des sociétés deux principes en présence : le principe de liberté donnerait quelquefois aux peuples des satisfactions fort désirables ; mais le principe d’autorité serait le vrai fondement de la prospérité publique : l’autorité serait à la fois l’origine du bien et le remède au mal produit par l’abus du principe opposé. Mais cette sorte d’erreur est encore plus dangereuse que celle qui signale la liberté