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on fait miroiter aux yeux des populations les charmes d’une indépendance sans limites, et l’on propage une idée aussi fausse que dangereuse. La plupart des hommes montrent, en effet, pour le mal une inclination persistante : alors même qu’ils ne s’attaquent point à autrui, ils se nuisent à eux-mêmes ; et ils se détruisent promptement s’ils ne sont pas contenus par une loi morale qui s’impose plus sévèrement aux consciences à mesure qu’elles deviennent plus libres. Mais ceux qui recherchent la fausse liberté en secouant le joug de la loi morale, sont bientôt frappés de décadence. On ne conserve la prospérité qu’en restant soumis à ce joug. À vrai dire, le plus parfait état de liberté n’est qu’un régime de contrainte morale.

Des considérations analogues s’appliquent à la famille et aux groupes sociaux qui s’interposent entre l’individu et l’État. Pour ces diverses subdivisions de la société, la liberté a des limites étroites, qui s’élargissent toutefois dans les institutions à mesure que la contrainte morale prend plus d’empire sur les mœurs. Quant à la dose d’autonomie qui, dans les meilleures constitutions sociales, appartient à chaque groupe, c’est un fait d’expérience qui est révélé par la pratique des peuples les plus libres et les plus prospères, et qui nous montre partout la limite à côté de la liberté.