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qu’on n’en devrait faire à l’avenir qu’un usage très-réservé.

§ 57

L’ABUS DU MOT LIBERTÉ.

Les peuples libres et prospères assurent à chaque individu, dans la vie privée comme dans la vie publique, toute l’indépendance dont il peut jouir, même à son détriment, pourvu qu’il ne porte atteinte ni à l’indépendance des autres individus, ni aux intérêts généraux de la société. On peut appliquer convenablement à un tel régime le mot liberté, et j’ai souvent employé cette expression dans ce sens pour me conformer à l’usage (§ 8). Mais, quand on va au fond des choses, quand on considère les entraves qu’impose à chacun le respect des devoirs sociaux, on trouve que la liberté, ainsi définie, n’a jamais laissé que des limites fort restreintes au domaine de l’indépendance individuelle. Lors donc que, sans définir le mot liberté, on l’emploie pour caractériser un nouveau système social, sans mentionner ces entraves nécessaires,

    par la lucide littérature du grand siècle (§ 16), ne restera pas dans cette ornière. Ainsi, j’ai trouvé avec satisfaction, dans une lettre récente (du 19 novembre 1869), de Mgr Dupanloup, le passage suivant : « Le libéralisme, le progrès, la civilisation et les sociétés modernes…, mots vagues et indéfinis qui disent tout et ne disent rien. »