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gime, ceux qui ont tenté de réformer cet abus toujours renaissant[1].

Le troisième abus est l’extension incessante de la bureaucratie, c’est-à-dire la multiplication des agents non responsables rétribués par le trésor public. J’ai décrit ailleurs[2] l’origine, les développements successifs et les caractères actuels de l’institution ; j’ai également indiqué les maux qui en dérivent et les remèdes qu’il faut y apporter. En ce qui touche le régime du travail, le principal inconvénient est de confier

  1. La Réforme sociale, t. III, p. 307. — Quand l’époque des vraies réformes sera venue, lorsque, au lieu de changer sans cesse les formes de la souveraineté, nous porterons enfin notre attention sur la vie privée et le gouvernement local, nous constaterons bientôt que les désordres sociaux émanant de la création des offices ministériels ne sont pas moindres maintenant qu’ils l’étaient au temps de Sully. Je signale, par exemple, aux personnes qui se dévoueront à cette difficile réforme l’utilité d’une enquête sur les manœuvres frauduleuses qu’entraîne, en beaucoup de lieux, le commerce des immeubles ruraux. Ces manœuvres pèsent lourdement sur les petits propriétaires, pour lesquels la révolution a témoigné une sollicitude plus bruyante que réelle. Une telle enquête, entreprise avec le concours d’anciens officiers ministériels, révélerait des faits de corruption qui dégradent singulièrement le caractère national. Cette corruption s’étend de proche en proche, au-dessus du milieu qui en est la source. J’ai vu des personnes appartenant aux classes supérieures se livrer à des fraudes contrastant beaucoup avec les habitudes de loyauté qui prévalaient encore il y a quarante ans parmi les familles du même rang. J’ai vu dans ma jeunesse, mais je ne retrouve guère aujourd’hui, des hommes qui, ayant à vendre quelque objet, n’avaient qu’une préoccupation : c’était d’en signaler les défauts à l’acquéreur.
  2. La Réforme sociale, t. III, p. 303 à 351.