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server la mémoire ou la Coutume des ancêtres ; et ils ne se transmettent que les pratiques strictement indispensables à la conservation de la race. Avec ces formes absolues, la famille instable ne se rencontre guère que chez certains peuples sauvages et dégradés. Cependant, depuis l’institution du partage forcé des héritages (E), elle s’introduit de plus en plus en France ; et elle y est déjà caractérisée par plusieurs traits saillants. Les enfants ressentent peu l’influence des parents ; souvent même ils sont moins que chez les sauvages en contact avec eux[1]. Les adultes se marient hors du foyer où ils sont nés ; et ils ne rattachent leurs vues d’avenir ni à ce foyer, ni à l’atelier des parents. Après la mort de ceux-ci, les enfants ne sont tenus de pratiquer aucun des devoirs tracés par la Coutume des ateliers. Ils ont même le droit de désorganiser le foyer, le domaine rural ou la manufacture des ancêtres et de s’en partager les lambeaux. Ils n’ont point, par conséquent, à s’inquiéter du sort des ouvriers domestiques ou des familles, dont ce droit de partage détruit les moyens d’existence. Sous ce régime, le travail offre une instabilité extrême. À la vérité, il se concilie souvent avec le

  1. L’un des traits de mœurs que l’opinion européenne blâme le plus dans le régime actuel de la France, est l’établissement de ces nombreux pensionnats dans lesquels les enfants des classes aisées sont élevés loin des parents, et soustraits aux traditions du foyer domestique.