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auprès d’eux tous leurs fils mariés et les enfants issus des mariages. Restant, avec une autorité complète, en contact continuel avec les jeunes générations, ils transmettent sans effort à celles-ci les croyances, les idées et les pratiques établies au foyer et à l’atelier des ancêtres[1]. Après la mort des vieux parents, le nouveau chef de famille, soumis depuis plus d’un demi-siècle à la Coutume, ne manque pas, à son tour, de l’imposer à ses enfants. Chez les peuples prospères, ce régime n’offre que des avantages, en ce qui touche l’organisation sociale de l’atelier. Mais, en ce qui touche les procédés techniques du travail, il peut dégénérer en routine, si les jeunes gens n’ont pas l’occasion de s’instruire par des voyages, si d’ailleurs les classes dirigeantes, et en particulier les Autorités sociales, ne propagent pas, dans une juste mesure, le besoin des innovations (§ 2).

La famille instable constitue le régime où la jeunesse subit le moins l’influence de la tradition. Les jeunes adultes abandonnent le foyer paternel dès qu’ils peuvent se suffire à eux-mêmes ; ils ne sont aucunement tenus de con-

  1. On est ordinairement le maître de donner à ses enfants ses connaissances : on l’est encore plus de leur donner ses passions. Si cela n’arrive pas, c’est que ce qui a été fait dans la maison paternelle est détruit par les impressions du dehors. (Montesquieu, de l’Esprit des loix, liv. IV, ch. v.)