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quels beaucoup d’hommes subordonnent tout, même la vérité. Les âmes généreuses et les esprits droits s’imprègnent, à la longue, des erreurs établies dans le milieu où ils sont nés ; les âmes perverses et les esprits faux prennent sans cesse l’initiative de l’erreur, en haine des partis rivaux. Dans les luttes de notre temps, on ne voit plus, comme dans nos anciennes discordes, deux principes ou deux intérêts en présence. Nos dissensions actuelles se rattachent à une multitude de causes insaisissables ; et elles dégénèrent, chaque fois qu’elles se prolongent, en une inextricable confusion. Les opinions dominantes sont toutes contradictoires : elles ne s’accordent habituellement que sur un point, la nécessité d’une révolution nouvelle[1].

L’esprit de révolution a également pris de

  1. L’esprit de révolution n’existe pas seulement parmi les classes inférieures, qui ont perdu la sécurité avec les autres bienfaits de la Coutume. Il est entretenu au sein des classes supérieures par une foule de causes, notamment par la convoitise des hautes situations que multiplie notre centralisation exagérée.

    Je discourais un jour, dans un complet accord d’opinions, avec un homme qui sous le régime antérieur occupait un poste élevé. Mon interlocuteur se montrait modéré dans ses appréciations ; et il insistait particulièrement sur les maux qu’infligent au pays nos révolutions incessantes. Il croyait toutefois à la nécessité d’une prochaine révolution qui lui rendrait des avantages conquis par de longs services. Ce travers a pour contre-partie la disposition d’esprit de certains fonctionnaires qui, jouissant de la richesse et de l’influence, considèrent comme factieux tous ceux qui réclament des réformes.