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civil, et rendre par là aux filles séduites le bénéfice de l’article 1382[1].

Je ne me dissimule pas la lenteur probable de cette réforme dans un pays où l’opinion, égarée par une littérature malsaine, glorifie les séducteurs, persécute les filles séduites et tourne en ridicule les maris trompés. Je sais aussi que nos magistrats, usant, dans l’appréciation des faits, du pouvoir discrétionnaire qui leur est nécessairement dévolu en cette matière, jugeraient d’abord tout autrement que les magistrats prussiens, anglais ou américains[2]. Mais ces considérations confirment encore l’opportunité d’une réforme qui n’imposerait pas l’initiative à l’autorité publique, et qui ne serait d’abord que trop tempérée par la jurisprudence. Combattue par des hommes influents, cette réforme ne porterait pas immédiatement tous ses fruits ; tou-

    paternité est interdite. Dans le cas d’enlèvement, lorsque l’époque de cet enlèvement se rapportera à celle de la conception, le ravisseur, pourra être, sur la demande des parties intéressées, déclaré père de l’enfant.

  1. Art. 1382. Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
  2. Cependant nos magistrats se sont parfois rapprochés de la pratique actuelle de nos émules et de la tradition de nos anciens tribunaux. La contradiction qui existe entre la théorie émise en 1791 (F) et l’opinion des honnêtes gens, entre l’art. 340 et l’art. 1382, a fait accorder, en certains cas, quelques dédommagements aux victimes de la séduction. Plusieurs hommes compétents m’assurent que la jurisprudence de quelques tribunaux a déjà devancé la réforme de la loi.