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penser les héritiers, malgré la volonté du père, des devoirs que celui-ci remplissait envers la famille, l’atelier, la province et l’État, si tout se réduit à donner des doses égales de jouissance personnelle aux héritiers, on ne voit pas pourquoi cet avantage serait acquis aux seuls enfants du défunt. L’aptitude à jouir, sans aucune obligation sociale, de la richesse créée par les aïeux est essentiellement universelle : l’héritage, lorsqu’il confère le droit de jouissance sans imposer les devoirs correspondants, ne saurait donc être renfermé logiquement dans le cercle de la famille, ni même de la parenté. C’est ainsi que le communisme, qui n’a aucune occasion de naître sous le régime du testament[1] en présence des obligations du foyer et de l’atelier, surgit de toutes parts sous le régime du partage forcé.

Tant que cette doctrine conservera son empire sur les esprits, la pratique actuelle ne saurait guère se réformer. La majorité des mourants laissera, comme aujourd’hui, les officiers pu-

  1. Dans les sociétés libres et vouées au travail, les coutumes qui transmettent intégralement les métiers et les clientèles naissent, au contraire, spontanément de la volonté des pères de famille. La capacité nécessaire pour continuer au foyer et à l’atelier la pratique des devoirs que remplissait le père de famille appartient seulement à celui qui y a été dressé par un long apprentissage : il est donc naturel qu’en transmettant à la fois l’héritage et les devoirs, le père de famille institue l’héritier qu’il a formé en l’associant à ses travaux.