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leur opinion, ils font remarquer qu’on oublie de plus en plus, en France, le respect dû au testament et l’accomplissement des devoirs liés à la transmission de la propriété[1].

Selon la notion que le Code propage de plus en plus, le foyer et l’atelier ne sont plus, comme

  1. À ces reproches j’ai pu toujours répliquer que plusieurs hommes éminents ont conservé jusqu’à nos jours l’esprit de nos vieilles traditions nationales. Parmi nos contemporains, M. Troplong est l’un de ceux qui ont le mieux indiqué que les mœurs doivent toujours subordonner la loi au testament (L). Malheureusement ce sage précepte n’est point suivi. Loin de là, l’ignorance des bonnes pratiques créées par nos aïeux et conservées par les autres nations, les préjugés révolutionnaires, l’intervention d’officiers publics intéressés à la désorganisation perpétuelle des foyers et des ateliers, poussent notre pays dans la direction opposée ; et la jurisprudence des tribunaux, au lieu de défendre le domaine du testament, tend sans cesse à le restreindre. Cependant il convient de rappeler que nos cours de justice, frappées des avantages attachés à certains régimes de transmission intégrale, fondés sur des coutumes séculaires, ont parfois réagi par leur jurisprudence contre l’esprit du Code civil. Ainsi, la cour de Bourges a longtemps maintenu, par sa jurisprudence, une communauté d’agriculteurs du bas Nivernais. (Les Ouvriers européens, p. 247.) La cour de cassation, par un arrêt récent (du 23 mars 1869) confirmant le jugement de la cour de Pau, vient de prolonger l’existence d’une admirable famille-souche, datant de plus de quatre siècles : cette famille est précisément celle que j’ai décrite en 1856, en signalant, comme je l’ai fait ici de nouveau, les dangers auxquels elle vient d’échapper encore une fois. (Les Ouvriers des Deux-Mondes, t. Ier, p. 107 à 160.) La famille sort victorieuse, mais ruinée, de cette suite de procès, Une histoire aussi lamentable, aboutissant fatalement à la destruction, pourrait être faite pour d’innombrables familles de paysans, qui, depuis la grande époque du xiiie siècle (§ 14), jouissaient sur leur domaine du bien-être et de la liberté.