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défensive de l’Église et de l’État, qui régna depuis la conversion de Constantin jusqu’aux schismes du XVIe siècle, a produit des résultats fort utiles ; et elle en peut produire encore dans les contrées où s’est maintenue l’unité de foi. Mais la glorieuse histoire des martyrs enseigne que l’œuvre divine de l’Église s’est fondée sous le régime opposé ; et, depuis que la majeure partie de l’Europe est envahie par les musulmans, les Grecs et les protestants, le principe de la religion de l’État s’est évidemment retourné contre l’œuvre du catholicisme romain.

D’ailleurs, même aux meilleures époques (§ 14), l’alliance de l’Église et de l’État a entraîné une foule d’inconvénients. Les souverains, en protégeant la religion, n’ont pas toujours été animés du dévouement chrétien. Souvent ils se sont inspirés de l’ambition et de mobiles encore plus condamnables : ils ont alors façonné les clercs en instruments dociles, et ils les ont soumis à une dure servitude[1]. Parfois même ils

  1. « La tendance de plusieurs souverains catholiques, notamment des Bourbons, allait, dans les derniers siècles, jusqu’à se faire payer, en quelque sorte, cette protection. On ne songe pas sans frémir à ces rois très-chrétiens, immoraux jusqu’au dernier excès, entourés de leurs cardinaux et de leurs évêques de cour, qui, tout en paraissant étroitement unis à l’Église, étaient plus funestes à son action divine que ces empereurs romains qui jetaient les chrétiens aux bêtes de l’amphithéâtre. » (Mgr de Ketteler, L’Allemagne après la guerre de 1866, p. 164 et 165.)