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viléges accordés par l’État aux ministres du culte, ou sans les rigueurs exercées par le bras séculier contre les dissidents. Cette opinion témoignerait de l’incompatibilité qui existe entre le catholicisme et l’esprit moderne ; car la pratique presque universelle des Européens refuse maintenant aux pouvoirs civils la faculté de contraindre par la force les citoyens à se conformer aux prescriptions d’un culte déclaré orthodoxe[1]. En France, où l’opinion publique sacrifie volontiers à l’omnipotence de l’État les droits de l’individu, de la famille et des associations privées, certains catholiques ont pu donner prise à cette fausse interprétation ; et en cela ils se sont inspirés, non de la doctrine catholique, mais de l’erreur et de l’intolérance inculquées à notre race par Louis XIV et la Terreur[2]. Une doctrine fort nette règne,

  1. À vrai dire, la Russie emploie seule aujourd’hui la force pour conserver la pratique de la religion. En fait, l’État Romain parait avoir renoncé depuis longtemps à ce procédé. Le R. P. Félix, dans son discours au congrès de Malines, a fort bien exposé les trois phases de la vie de l’Église, en les résumant dans les mots : Persécution, protection, liberté. La phase actuelle n’est pas inférieure aux autres, dans les diocèses catholiques des États protestants de l’Europe, des États-Unis et du Canada (§ 70). Il en sera de même chez toutes les nations catholiques où l’alliance de l’Église et de l’État, n’étant plus fondée sur la contrainte (§ 8), sera complètement établie dans les cœurs.
  2. Les Français qui n’ont point habité l’étranger ignorent généralement à quel point l’action de ces deux déplorables gouvernements a fait déchoir la France dans l’opinion des Européens.