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la production du miel. On pourrait encore caractériser cette aberration en la comparant à celle du chimiste qui, réduisant la plante à ses éléments minéraux, déclarerait vaine la science du botaniste voué à l’étude des merveilleux phénomènes du règne végétal. Les docteurs du scepticisme scientifique commettent donc un attentat monstrueux contre la méthode et une mutilation sacrilège de la vérité, lorsqu’ils prétendent exclure de la science de l’homme (n. 6) les admirables phénomènes de la religion, de la morale et de la raison.

D’un autre côté, il est faux d’affirmer que la religion s’éteint à mesure que les sociétés se perfectionnent. L’erreur incessamment reproduite à ce sujet, depuis le XVIIIe siècle, par toutes les classes de sceptiques, est réfutée par les enseignements de l’histoire, comme par ceux du temps présent[1]. Certains peuples, à la vérité,

  1. En 1832, selon M. de Tocqueville, les Américains des États-Unis considéraient la conservation des libertés civiles et politiques comme subordonnée à celle des croyances religieuses. Cette conviction s’est affaiblie dans les agglomérations urbaines, corrompues par la richesse ; mais elle domine encore dans le reste du pays. « Toutes les républiques américaines sont solidaires, disaient-ils ; si les républiques de l’Ouest tombaient dans l’anarchie ou subissaient le joug du despotisme, les institutions républicaines, qui fleurissent sur les bords de l’océan Atlantique, seraient en grand péril ; nous avons donc intérêt à ce que les nouveaux États soient religieux, afin qu’ils nous permettent de rester libres. C’est le despotisme, ajoute M. de Tocqueville, qui peut se passer de la foi, mais