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tion de l’enfance et de la jeunesse, fut cependant adoptée par une foule d’esprits. Jefferson[1] tenta en vain de la propager aux États-Unis, dans un milieu social protégé par le christianisme et par la frugalité (§ 8) ; mais les germes que sema ce grand homme égaré se développent aujourd’hui dans de nombreuses cités enrichies par le commerce. Les classes dirigeantes de l’Europe trouvèrent près d’elles, dans la corruption des cours et des villes, un milieu tout préparé à recevoir les enseignements de Voltaire et de Rousseau ; elles formèrent ainsi le personnel de la révolution, qui, en France, aboutit en deux années au régime de la Terreur. Cette seconde éruption du scepticisme social s’apaisa lorsque les souverains et les peuples aperçurent les maux qu’elle avait déchaînés, lorsque surtout la réforme du clergé et la liberté

  1. « C’est perdre son temps que de suivre des leçons sur cette matière (la morale). L’homme était destiné à vivre en société : il fallait que sa moralité fût conforme à ce but. Le sens moral vient à l’homme comme ses jambes et ses bras. » (Mélanges politiques de Jefferson, Conseils à un jeune homme, t. Ier, p. 298.) Quant à la religion, Jefferson admet, avec J.-J. Rousseau, que le jeune homme ne doit s’en occuper que lorsqu’il peut se guider par les lumières de son propre jugement. Or on blesserait moins la raison et l’expérience en déclarant que chacun peut s’élever spontanément à la connaissance des sciences physiques et des métiers manuels ou intellectuels : car le jeune homme, parvenu à l’âge de raison, n’a aucun intérêt à repousser ces dernières connaissances, tandis qu’il est excité par ses passions et son orgueil à se révolter contre les lois de la morale et de la religion.