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contrôler les pouvoirs sociaux ; mais elle a perdu, avec ses vieilles mœurs, la faculté d’en user utilement. Elle a pu conjurer le retour des scandales qui furent donnés par ses gouvernants sous l’ancien régime en décadence. Elle a même ramené ses clercs aux vertus du IXe siècle (§ 14), en les soumettant aux persécutions de la Terreur, puis aux incessantes critiques du scepticisme. Mais, d’un autre côté, les classes les plus nombreuses, qui étaient restées intactes sous les régimes antérieurs, ont été corrompues, à leur tour, par deux influences principales : elles ont suivi le mauvais exemple des classes dirigeantes ; elles se sont exposées trop brusquement à la corruption que fait naître l’exercice de la souveraineté[1].

  1. Les nations qui ont eu recours à un régime électoral pour renouveler fréquemment les pouvoirs publics, ont toujours communiqué aux électeurs l’orgueil et la vénalité, c’est-à-dire les vices habituels aux autres classes de gouvernants. Ce désordre, peu sensible dans de petites localités où se conserve le respect des Autorités sociales, prend des proportions redoutables chez les grandes nations. Il grandit d’autant plus qu’on étend davantage le droit de suffrage aux classes les moins morales ou les plus besogneuses. Il a les mêmes conséquences que l’abus des autres pouvoirs. La corruption de l’autorité engendre aussi sûrement la bassesse chez le candidat qui brigue le suffrage d’électeurs vénaux, que chez le courtisan qui recherche la faveur d’un roi corrompu. Ce mal a pris, en moins d’un siècle, de si grandes proportions aux États-Unis, qu’il semble réclamer un prompt remède (§ 60). Dans un moindre laps de temps, il a déjà acquis en France une certaine gravité. En 1869, certains corps électoraux ont évidemment dépassé, en tyrannie et en cynisme, beaucoup de mauvais rois. Sans doute la corruption des électeurs ou des rois ne condamne pas plus certaines formes