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les formes de l’erreur, et l’éloquence, qui ramène au vrai les cœurs égarés. Assurément cette réunion de qualités est fort rare ; mais heureusement le cercle d’action de ceux qui la possèdent est, pour ainsi dire, sans limites. Douze apôtres ont fondé le christianisme, sept évêques[1] l’ont introduit sur notre sol (§ 14) : il n’en faudra pas davantage pour l’y restaurer.

Les hommes qui veulent se consacrer à la réforme ont d’abord à se mettre en garde contre le découragement ; et à cet effet ils doivent envisager d’un œil ferme les difficultés de l’entreprise. Depuis la Renaissance, et surtout depuis le règne de Louis XIV, les pouvoirs civils ou religieux qui pèsent sur les Français ont organisé, sous prétexte de repousser l’erreur, une réglementation si complète et une bureaucratie[2] tellement habile, qu’ils ont du même coup singulièrement entravé l’émission de la vérité. Ce triste régime, créé par l’amour du pouvoir absolu, et plus ou moins conservé par la crainte des révolutions, a considérablement amoindri les

  1. Hier et Aujourd’hui, par Mgr Isoard, auditeur de Rote (1 vol. in-18 ; Paris, 1863, p. 318). L’éminent auteur a parfaitement signalé dans ce passage de son livre le caractère que doit prendre le nouvel apostolat dans une société qui a perdu les croyances chrétiennes. Selon sa judicieuse remarque, les apôtres des Saules, qui ont en quelque sorte créé une nouvelle race, s’inquiétaient fort peu des questions qui passionnent aujourd’hui certains catholiques français (§ 31).
  2. La Réforme sociale, t. III, p. 303.