Page:Le Play, L’Organisation Du Travail, 1893.djvu/216

Cette page a été validée par deux contributeurs.

par exemple, celles qui, depuis longtemps, avaient fondé la permanence des engagements sur la contrainte, renoncent de plus en plus à ce régime[1]. L’expérience semble donc attribuer, en général, aux mœurs et à l’opinion le soin d’accomplir cette première partie de la réforme.

En ce qui concerne le Décalogue, la France n’a jamais cessé, même aux plus mauvaises époques, de donner la sanction du code pénal aux quatre commandements (§ 4) qui interdisent l’homicide, le vol et le faux témoignage. Mais, pour les six autres commandements, elle n’a pas seulement renoncé au régime de contrainte que les États-Unis, comme la Russie, conservent encore (§§ 8 et 65) : elle ne se croit pas tenue, à l’exemple de l’Angleterre, de mettre ces commandements sous la sauvegarde de la liberté et de la conscience. En certains cas que j’ai indiqués (§ 31), elle a pris à tâche d’en éloigner les citoyens au moyen d’institutions créées sous le régime de la Terreur, et conservées jusqu’à nos jours. Or les peuples ont souvent prospéré en renonçant à faire régner par la contrainte des pratiques aussi essentielles ; mais ils ont toujours échoué quand ils se sont appliqués à les discréditer ou à les interdire.

  1. Les principaux régimes d’engagements forcés que j’ai étudiés au début de mes voyages ont été abrogés : dans les États autrichiens, en 1846 et en 1848 ; en Russie, depuis 1861.