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donnée par les lettrés du XVIIIe siècle[1]. Un enseignement peu judicieux de l’histoire laisse trop ignorer à nos jeunes gens que leurs ancêtres ont dû leurs plus grands succès à la religion chrétienne. Le scepticisme scientifique des Allemands (§ 39), venant en aide à l’ancien scepticisme français, s’attache avec ardeur à détruire toute notion de Dieu par l’autorité des sciences physiques : cette nouvelle forme de l’erreur trouve un milieu favorable dans une société où les classes dirigeantes ont étrangement exagéré l’importance du monde matériel ; elle se propage aisément, sous l’influence d’un mauvais système d’éducation[2], parmi les jeunes générations, trop soustraites à l’apprentissage de l’atelier[3] et même à l’enseignement du foyer domestique. Enfin, les mœurs inculquées à notre race par deux siècles

  1. Beaucoup d’ouvriers, élevés dans les agglomérations urbaines de l’Occident, se livrent aujourd’hui à cette propagande dans les réunions de Paris, comme dans les congrès de Suisse et de Belgique : ils reproduisent, à un siècle de distance, les aberrations des lettrés et des classes dirigeantes de l’ancien régime. D’un autre côté, les gouvernants, qui voient le danger de ce désordre, conservent les traditions de la monarchie absolue : ils sont enclins à le conjurer par un régime de contrainte, plutôt qu’à le combattre par l’évidence fondée sur l’expérience et la raison. Il est sans doute plus facile d’imposer silence à l’erreur que de démontrer la vérité ; mais les classes dirigeantes qui commettent cette faute, qui confèrent le prestige de la persécution à l’erreur, et lui assurent ainsi l’empire de l’opinion, s’exposent de nouveau aux catastrophes qui, après la même faute, marquèrent la fin du XVIIIe siècle.
  2. La Réforme sociale, t. II, p. 310 à 351.
  3. Ibidem, t. II, p. 351 à 365.