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porté à notre constitution sociale une atteinte qui n’est point encore réparée. Les peuples dont la renommée et la puissance ont le plus grandi de notre temps sont ceux qui, comme les Américains des États-Unis, avaient le mieux résisté à cette corruption, ou ceux qui, comme les Anglais et les Prussiens, ont le plus réagi contre elle. Ces peuples continuent à respecter un principe de l’ancien régime français : ils donnent à la famille des garanties légales contre la séduction des jeunes filles. Selon l’esprit de la loi prussienne, la séduction est un délit dont les magistrats poursuivent d’office la répression. Selon l’ancienne coutume des Anglo-Saxons, la séduction implique contravention à une promesse de mariage, c’est-à-dire au plus sacré de tous les contrats. En Angleterre, cette coutume a été en partie faussée par la corruption des Tudors et des Stuarts. Aux États-Unis, elle a été introduite dans toute sa pureté par les premiers colons[1], et elle y est encore respectée. Le juge a le devoir, dans le cas où le mariage ne peut avoir lieu, de contraindre le séducteur à payer à sa victime

  1. Les contemporains de Washington, de Madison et de Quincy Adams avaient même été élevés sous l’influence de coutumes plus sévères que la loi prussienne actuelle. L’ancien Code du Connecticut donnait la peine de mort pour sanction au premier commandement du Décalogue. Il conférait au juge le pouvoir de faire réparer par le mariage l’infraction au neuvième commandement, ou de punir les délinquants par le fouet et l’amende.