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l’opinion publique y tolère l’abandon des plus salutaires pratiques de la Coutume.

La quiétude qu’engendre en Orient (§ 9), jusque dans les plus pauvres familles, la possession permanente du foyer domestique, est le trait de mœurs qui m’a fait d’abord ouvrir les yeux sur la fausseté de certaines doctrines[1] propagées en Occident sur l’organisation des sociétés. Il y a, en effet, un véritable aveuglement à proclamer la supériorité absolue des nouvelles pratiques qui ont substitué à cette quiétude les récriminations et les haines au milieu desquelles nous vivons.

  1. En France, le mal produit par les doctrines qui dénaturent les vrais rapports du patron et des ouvriers est singulièrement aggravé par le régime de partage forcé qui nous est imposé depuis 1793, et qui a été conservé par le premier empire, pour les classes peu aisées (K). À Toulon (Var), selon les intéressantes recherches de M. O. Teissier, la plupart des familles possédaient encore à cette époque les foyers que leurs ancêtres avaient bâtis au moyen âge : aujourd’hui, au contraire, elles habitent en général des maisons prises à loyer. Les efforts faits dans quelques localités (n. 2) pour rendre les ouvriers propriétaires de leurs habitations, restent à peu près stériles ; car les licitations, qui suivent nécessairement la mort du premier acquéreur, font passer la propriété de ces habitations à des capitalistes qui se créent un revenu en rétablissant le régime des locations. Quand le temps des vraies réformes sera venu, on ne comprendra pas que ce système antisocial se soit maintenu si longtemps, malgré les besoins généraux du pays et l’intérêt spécial des familles d’ouvriers. Le régime de contrainte qui grossit ces déplorables sources du revenu des rentiers, explique en partie les aberrations qui portent aujourd’hui certains ouvriers à considérer comme un mal absolu la formation du capital par l’épargne (J).