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ches des prêteurs d’argent, possèdent habituellement leur foyer sous le régime de la propriété libre et individuelle. Quand ces qualités font défaut, les patrons y suppléent, autant que possible, en organisant, au profit des familles attachées à leurs ateliers, soit un régime d’usufruit perpétuel, soit un système de subventions permanentes qui dure autant que l’engagement, et qui se maintient souvent pendant une suite de générations[1].

  1. Des études persévérantes sur la vie domestique des ouvriers européens m’ont démontré que, sauf en certaines régions exceptionnelles (Les Ouvriers européens, p. 20 à 21), il n’existe qu’une faible minorité qui, possédant un immeuble, puisse résister au désir de le grever d’hypothèques pour se procurer une jouissance immédiate. Le régime féodal avait admirablement remédié à cette infirmité sociale de la plupart des familles, par le système des fiefs et des tenures. Le fieffé et le tenancier avaient tous les droits utiles de la propriété libre et individuelle ; mais le seigneur interdisait l’hypothèque, en venant au secours de ses hommes dans le cas de force majeure ; et il se réservait l’autorisation en cas de vente. Les hommes honorables qui, en Alsace notamment, se dévouent à restaurer chez les ouvriers la pratique de la possession du foyer, se heurtent à cette même infirmité des populations. Une enquête récente m’a conduit à constater que plusieurs patrons, après avoir aidé leurs ouvriers à acquérir le foyer, avaient compris la nécessité de se réserver le droit d’interdire l’hypothèque : ils se trouvent ainsi ramenés, dans l’intérêt même des ouvriers, à la pratique du fief. Les combinaisons de ce genre seront repoussées, dans le régime actuel, sous la domination accordée en fait aux légistes. Elles seront rétablies avec succès quand les Autorités sociales auront repris leur légitime influence, et quand la mission des légistes se réduira à formuler les pratiques adoptées par les vrais intéressés. Au surplus, la possession du foyer est, en fait, refusée aux ouvriers, moins par