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urbaine, ils constituent le plus redoutable foyer de souffrance et d’antagonisme qu’on ait jamais vu chez un peuple civilisé. Malheureusement toutes les influences concourent en France, depuis deux siècles, à ruiner l’ancienne organisation. Nos gouvernements ne voient plus l’idéal de la prospérité dans de riches campagnes habitées par les classes dirigeantes. Comme ceux de Rome et de Babylone, ils ont concentré autant que possible dans la capitale les forces vives du pays. Nos municipalités ont été conduites par le faux régime des octrois, et elles ont d’ailleurs mis une sorte d’amour-propre à augmenter sans relâche la population de leurs villes[1]. Enfin les partis hostiles au gouvernement établi ont toujours vu croître avec une satisfaction secrète les masses, d’où semble devoir sortir l’armée d’une prochaine révolution.

En Angleterre, les populations manufacturières ont été encore plus accumulées sur des bassins houillers qui offrent, plus que ceux du

  1. Un administrateur de Paris, jaloux de la supériorité qu’accuse pour la ville de Londres la population comparée des deux capitales, proposait un jour à un ministre une mesure qui devait accélérer l’accroissement de la population parisienne. « Monsieur, lui répondit l’homme d’État, j’envisage autrement la question : et j’ajoute que si, à ce point de vue, vous pouviez devenir égal aux Anglais, vous resteriez encore inférieur aux Chinois. » Ce dialogue eut lieu devant moi, à une époque où je suivais encore les cours du collège ; il m’a laissé un vif souvenir ; il a été ma première leçon de science sociale.