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la demande des produits manufacturés, ils veulent à tout prix augmenter leur production : ils débauchent par l’appât d’un salaire exagéré les ouvriers de leurs concurrents et même ceux des ateliers ruraux du voisinage. Puis, dès que les demandes et les prix se réduisent, ils ne se font aucun scrupule de mettre leurs ouvriers dans l’alternative de rester sans emploi ou de se contenter d’un salaire qui ne répond plus aux besoins des familles. Dès que la Coutume a été ainsi violée, les ouvriers ne manquent pas de prendre leur revanche lorsque le commerce redevient plus actif ; et c’est ainsi que l’antagonisme envahit de proche en proche les manufactures, les domaines ruraux et la société entière.

Cependant, même dans les contrées que désole cette guerre sociale, les meilleurs patrons réussissent à en préserver leurs ateliers ; et s’ils doivent subir le contre-coup des oscillations de salaire provenant du dehors, ils règlent eux-mêmes les tarifs, sans aucun débat et à la satisfaction de leurs ouvriers. C’est à ce caractère qu’on distingue le mieux les Autorités sociales au milieu des nations livrées à l’antagonisme et à l’anarchie.

L’assiette du salaire dépend de la nature du travail et surtout du caractère de la population. À mesure que la prévoyance, la perspicacité et l’énergie se développent parmi les ouvriers, on