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Par contre, le patron chez lequel la permanence se maintient est classé dans l’opinion comme un précieux auxiliaire de la prospérité publique. Il est digne de tous les honneurs, surtout sous notre régime social, où tant d’influences s’emploient incessamment à ruiner la Coutume et à remplacer par l’antagonisme un ancien état d’harmonie. Parmi les devoirs qu’impose au patron la conservation de cette pratique, le plus nécessaire est l’éducation d’un successeur pénétré des obligations contractées par les ancêtres envers les ouvriers, garanties par la Coutume et transmises par la tradition locale avec la possession de l’atelier.

Depuis le commencement du siècle, et surtout depuis 1830[1] (§§ 29 et 30), cette pratique tombe souvent en désuétude dans les agglomérations

  1. Avant 1830, les ateliers parisiens portaient déjà la trace des idées subversives et des sentiments de haine que les révolutions antérieures avaient fait naître. J’ai pu cependant y observer alors des institutions et des mœurs qui ne le cédaient en rien à ce que j’ai trouvé de plus parfait, pendant trente années, dans le reste de l’Europe. Le patron et sa femme, se plaisant dans une existence simple et frugale, connaissaient dans tous ses détails la vie domestique de leurs ouvriers, et ceux-ci se préoccupaient sans cesse de la prospérité commune. La solidarité et l’harmonie apparaissaient dans tous les rapports du patron et de l’ouvrier, notamment dans une solennité dite fête de la lumière. Chaque automne, le dimanche précédant la semaine où l’on commence à éclairer l’atelier pour le travail du soir, le patron réunissait à sa propre famille toutes les familles de ses ouvriers dans un banquet suivi de danses et de diverses récréations. En 1867, à une époque où je disposais de nombreux moyens d’in-