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entraîne vers la décadence. Pour moi, j’ai été soutenu dans tous mes travaux par la conviction opposée ; et je m’y assure davantage à mesure que je connais mieux les hommes du passé et ceux de mon temps. Je suis porté par les considérations suivantes à penser que la réforme est loin d’être impossible. Cette réforme serait aussi prompte que celles de Louis XIII (§ 16) et de Georges iii (§ 30), si les bons citoyens qui aperçoivent le mal se concertaient et se dévouaient pour ramener le règne du bien[1].

Même après les deux siècles funestes qu’ils viennent de traverser (§ 16), les Français ne se sont point tous résignés à subir la décadence. Ils ne montrent qu’exceptionnellement cette quié-

    périté (§ 14) : en conséquence, ils ne croient pas avoir à rechercher la vraie notion du bien (§ 50), et encore moins à la propager autour d’eux ; ils se résignent en gémissant à subir les alternances habituelles de révolution et de dictature (§8, n. 12 et 13).

  1. J’ai plusieurs fois mis en action, pour des intérêts publics d’importance secondaire, les ressources intellectuelles et morales que la France et Paris possèdent encore. On ne peut se faire une idée des résultats qu’on en obtiendrait, si on y faisait appel, pour un but plus élevé, avec un dévouement patriotique dégagé de toute pensée égoïste. Quelques hommes de talent, unis par l’amour de la vérité et préoccupés exclusivement du bien public, suffiraient à cette tâche. Joseph de Maistre exprimait déjà cette même pensée dans les termes suivants, après les désastres de la révolution et du premier empire : « Il y aurait de bonnes choses à faire dans cette capitale. Vingt hommes suffiraient, s’ils étaient bien d’accord. » (Lettre du 1er décembre 1814.) Mais, aujourd’hui comme alors, la difficulté réside moins dans le pouvoir des méchants que dans l’impuissance des bons à s’entendre pour propager la notion du bien.