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Les nombreux gouvernements qui ont succédé au régime de la Terreur se sont tous efforcés d’atténuer l’effet des institutions de cette époque ; mais ils n’en ont guère modifié les principes, soit qu’ils n’aient pas su distinguer le bien d’avec le mal, soit qu’ils n’aient point osé affronter les passions et les préjugés inculqués par ce régime à la nation. Depuis qu’ils sont entrés dans l’ère des révolutions, les Français se distinguent par un caractère qui est entièrement nouveau, même dans leur propre histoire. Ils flottent alternativement vers deux sentiments opposés : le désir d’échapper aux maux présents ; la crainte de retomber dans les abus du passé. C’est ainsi qu’en soixante-deux années, depuis la prise de la Bastille jusqu’à l’avénement du second Empire, ils ont changé dix fois, et souvent par la violence[1], la lettre des institutions et le personnel du gouvernement.

    siècle qui a précédé et le siècle qui a suivi la révolution de 1789. Ce rapprochement sera justifié par toute étude approfondie. L’analogie des deux régimes a déjà été démontrée par M. de Tocqueville, pour les procédés de l’administration publique ; mais elle n’est pas moindre pour les idées et les mœurs, qui influent davantage encore sur la prospérité ou la décadence des nations. Il y a presque identité en ce qui touche l’indifférence en religion, l’intolérance en politique, la soif des privilèges et les usurpations de la bureaucratie.

  1. Le R. P. Gratry, de l’Oratoire, a peint en termes éloquents les maux que les hommes violents ont déchaînés sur la France, et l’incompatibilité qui existe entre ces pratiques de violence et les aspirations vers la liberté. (La Morale et la Loi de l’histoire, t. II, p. 180 à 184.)