Page:Le Play, L’Organisation Du Travail, 1893.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gouvernement régulier ; car tous les éléments d’organisation leur faisaient à la fois défaut. La Coutume, fondement des bonnes constitutions sociales, avait été discréditée à la fois par le vice des gouvernants et par l’erreur des encyclopédistes[1]. Les traditions les plus indispensables à la vie journalière d’une société avaient été brisées avec les nobles, les clercs et les magistrats qui, au milieu de la corruption du siècle, s’étaient montrés fidèles à la Coutume, à la religion et à la monarchie. Dans toute l’étendue du royaume, les Autorités sociales avaient été privées de leur pouvoir légitime par les empiétements des fonctionnaires : elles n’avaient plus la force de réprimer les attentats commis contre la constitution nationale ; mais elles refusaient du moins de s’associer à l’oppression, quand elles n’avaient pas le courage de la condamner ouvertement. Les assemblées, à mesure qu’elles s’avançaient dans les voies de

  1. Les grands écrivains du XVIIIe siècle adoptèrent, pour la plupart sans scrupule, les vices des classes dirigeantes ; ils s’unirent même souvent aux souverains pour faire la propagande simultanée du vice et de l’erreur. Frédéric II imita parfois avec succès les écrits obscènes de Voltaire. On prendra une idée du désordre dans lequel tombaient les esprits les plus éminents, en lisant la correspondance de Montesquieu avec son ami l’abbé Guasco, qu’il avait choisi comme confesseur de sa fille. On peut consulter, entre autres, les lettres XXII, XXIX, XXXI, XXXII. etc. (Montesquieu, Œuvres complètes, 2 vol. in-12 ; Paris, 1862.)