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rectement, par la culture des lettres, la propagation des idées justes[1] qui se rencontrent, au milieu de beaucoup d’erreurs, chez les grands écrivains de cette époque. Au milieu de la décadence qu’impliquait au fond la perte de l’ordre moral, elle conserva momentanément à la langue française l’ascendant qui lui était acquis depuis le siècle de Descartes[2]. Le Régent et Louis XV suivirent d’ailleurs la marche des souverains précédents vers l’éta-

    chrétiens à la fin de leurs luttes contre les musulmans (1492). L’esprit de Philippe II, du roi qui fut le modèle de Louis XIV, pèse depuis trois siècles sur cet infortuné pays, sans le correctif qu’y opposèrent en France le scepticisme et la révolution. Ce régime a détruit les sciences et les lettres, en même temps que les mœurs, et il a produit des fruits amers que l’on récolte aujourd’hui.

  1. La Réforme sociale, t. 1er, p. 307.
  2. « Je me trouve ici en France. On ne parle que notre langue. L’allemand est pour les soldats et les chevaux. La langue que l’on parle le moins à la cour, c’est l’allemand. Je n’en ai pas encore entendu prononcer un mot. Notre langue et nos belles-lettres ont fait plus de conquêtes que Charlemagne. » (Lettres de Voltaire ; Berlin, 24 auguste et 24 octobre 1750.) Frédéric II, roi de Prusse, a écrit en français ses principaux ouvrages ; il a motivé sa préférence pour cette langue dans les termes suivants : « Quoique j’aie prévu les difficultés qu’il y a pour un Allemand d’écrire dans une langue étrangère, je me suis pourtant déterminé en faveur du français, à cause que c’est la plus polie et la plus répandue en Europe, et qu’elle paraît, en quelque façon, fixée par les bons auteurs du règne de Louis XIV. Après tout, il n’est pas plus étrange qu’un Allemand écrive de nos jours le français, qu’il ne l’était du temps de Cicéron qu’un Romain écrivît le grec. » — Sous la décadence de l’époque actuelle, un souverain étranger ne pourrait suivre cet exemple sans froisser l’opinion de ses sujets.