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les scandales qui signalèrent les déplorables gouvernements du Régent et de Louis XV ; cependant elle peut être utilement complétée en quelques points. Le Régent ne fut pas, comme on l’a dit souvent, l’auteur de la corruption : il étala avec une cynique franchise celle que Louis XIV avait créée par l’exemple de sa vicieuse jeunesse, puis stimulée par l’intolérance de sa tardive vertu. Son gouvernement fut moins nuisible à la France que ne l’eût été, pendant le même laps de temps, la continuation du règne précédent. Il ne put introduire dans les habitudes de la cour la libre pratique du vice, sans tolérer jusqu’à un certain point la libre expansion de la pensée. Sans doute cette liberté s’employa souvent, dans le cours du XVIIIe siècle, à répandre le scepticisme, et par suite à désorganiser la société ; mais sous ce rapport elle n’eut pas une action plus funeste que le régime de contrainte et d’hypocrisie inauguré par Louis XIV. La liberté de l’erreur et du vice, l’une des nouveautés de l’ancien régime en décadence, fut d’ailleurs quelquefois un stimulant pour la vérité et la vertu. Elle épargna à la France l’un des plus grands avilissements que puisse subir une nation, la quiétude dans l’ignorance et la corruption[1]. Elle assura indi-

  1. Tel fut le triste sort de l’Espagne, après l’époque de prépondérance intellectuelle et morale qui fut acquise aux