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l’avoir conseillé ; et quelques-uns s’opposèrent courageusement à la persécution[1]. La révocation de l’édit de Nantes est l’évidente réfutation des panégyristes de Louis XIV. Elle fit déchoir la France de la haute situation où elle s’était élevée, surtout de 1629 à 1661 (§ 16) : elle tarit l’une des principales sources de la prospérité intérieure, pour en répandre les bienfaits sur l’Angleterre, la Hollande et l’Allemagne du Nord ; enfin elle souleva contre la France des

  1. Au sujet de la persécution des protestants, je ne puis résister au plaisir de citer le trait suivant, qui montre ce qu’était un évêque gentilhomme de l’ancienne monarchie, même devant le roi qui avait usurpé le pouvoir absolu. Il s’agit de Mgr de Coislin, évêque d’Orléans.

    « Lorsque, après la révocation de l’édit de Nantes, on mit en tête au roi de convertir les huguenots à force de dragons et de tourments, on en envoya un régiment à Orléans, pour y être répandu dans le diocèse. Mgr d’Orléans, dès que le régiment fut arrivé, en fit mettre tous les chevaux dans ses écuries, manda les officiers, et leur dit qu’il ne voulait pas qu’ils eussent d’autre table que la sienne ; qu’il les priait qu’aucun dragon ne sortit de la ville, qu’aucun ne fit le moindre désordre, et que, s’ils n’avaient pas assez de subsistance, il se chargeait de la leur fournir ; surtout qu’ils ne dissent pas un mot aux huguenots, et qu’ils ne logeassent chez pas un d’eux. Il voulait être obéi, et il le fut. Le séjour dura un mois et lui coûta bon, au bout duquel il fit en sorte que ce régiment sortit de son diocèse et qu’on n’y renvoyât plus de dragons. Cette conduite pleine de charité, si opposée à celle de presque tous les autres diocèses et des voisins de celui d’Orléans, gagna presque autant de huguenots que la « barbarie qu’ils souffraient ailleurs. Il fallait aussi du courage pour blâmer, quoique en silence, tout ce qui se passait alors et que le roi affectionnait si fort, par une conduite si opposée. » (Saint-Simon, t. V, p. 115.)