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L’intérêt universel qu’excite en Occident la question du travail provient surtout du mal qui règne dans beaucoup d’ateliers, et qui trouble l’ordre social. Mais jusqu’à présent ce mal est moins étendu que ne le croient ceux qui en souffrent ; et mon premier soin est de prémunir le lecteur contre les conclusions trop générales qu’on tire souvent, parmi nous, des faits qu’on a sous les yeux.

Les deux régions extrêmes de l’Europe offrent un contraste marqué, en ce qui concerne l’organisation du travail et les rapports mutuels des patrons et des ouvriers. En Orient[1], on voit rarement les dissensions intestines se produire au sein des ateliers voués à l’agriculture, aux exploitations de mines et de forêts, aux industries manufacturières, au commerce, et, en général, aux arts usuels[2]. La paix s’y maintient à la faveur de certains usages également respectés des patrons et des ouvriers. En Occident, beaucoup d’ateliers conservent ce même état d’harmonie ; d’autres, au contraire, s’écartant de la tradition, tombent dans un état d’antagonisme

  1. Voir au § 9 la définition de l’Orient et de l’Occident, puis celle de la région centrale qui les sépare.
  2. Je désigne sous le nom d’arts usuels les méthodes de travail qui, par l’effort des bras et des machines ou par l’intervention des agents naturels, produisent, élaborent et transportent la plupart des objets utiles à l’homme. J’appelle l’atelier, selon la notion habituelle, les lieux de travail relevant d’un même chef.