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il épargna encore moins la noblesse ; et il propagea ainsi cette triste égalité qui se produit par voie d’abaissement. Enfin il transmit à ses successeurs le royaume ruiné par la guerre et les impôts, affaibli par l’exécration des peuples, et complètement épuisé de grands hommes.

Cependant les nations ne sauraient passer sans transition, même sous les plus mauvais gouvernements, de la prospérité à la décadence. Les vertus et les talents créés sous le régime antérieur ne furent point subitement annulés par les vices et l’ignorance du roi. Aussi peut-on remarquer, dans ce qui a été nommé si improprement « le grand règne », deux parties assez distinctes : la première (1661-1682), marquée par le retour de la corruption des mœurs, avec la continuation de la prospérité intellectuelle et matérielle ; la seconde (1682-1715), signalée, dans l’ordre intellectuel et matériel, comme dans l’ordre moral, par une décadence qui se continua jusqu’à la mort du roi[1].

  1. Le contraste des deux parties du règne n’est pas moins sensible dans la vie privée que dans la vie publique. Pendant la première partie, les mœurs conservèrent momentanément, malgré le mauvais exemple du roi, la décence rétablie par Louis XIII ; elles restèrent dignes, même lorsque l’on commença à revenir aux traditions des Valois. Pendant la seconde partie, les courtisans étalèrent ouvertement la promiscuité des sexes, les débauches sans nom, le goût effréné du jeu, une gloutonnerie repoussante ; ils allèrent même jusqu’à pratiquer l’homicide par empoisonnement, sans que les magistrats osassent intervenir.