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geurs qui visitèrent la France à cette époque. On s’explique donc la perturbation profonde que les guerres d’Italie, entreprises par Charles VIII, Louis XII et François ier (1494-1525), jetèrent dans les idées et les mœurs de jeunes gentilshommes élevés avec les sévères habitudes de cette vie rurale. Dès la première campagne, la réputation de sainteté qu’avait, en Italie, la noblesse française se trouva perdue[1]. Pendant leur séjour à Naples, Charles VIII et l’armée en vinrent à dépasser ceux qui leur avaient inoculé le mal : ils les scandalisèrent par leur corruption non moins que par leur arrogance.

  1. « Par toute l’Italie, le peuple ne désiroit qu’à se rebeller, si du costé du roi les affaires se fussent bien conduites, et en ordre, sans pillerie. Mais tout se faisoit au contraire ; dont j’ai eu grand deuil, pour l’honneur et bonne renommée que pouvoit acquérir en ce voyage la nation françoise. Car le peuple nous advoüoit comme saincts, estimans en nous toute foy et bonté. Mais ce propos ne leur dura guères, tant pour notre désordre et pillerie, et qu’aussi les ennemis preschoient le peuple en tous quartiers, nous chargeans de prendre femmes à force, et l’argent, et autres biens, où nous les pouvions trouver. De plus grands cas ne nous pouvoient-ils charger en Italie ; car ils sont jaloux et avaricieux plus qu’autres. Quant aux femmes ils mentoient ; mais, du demeurant, il en estoit quelque chose. » (Philippe de Commines, Mémoires relatifs à l’Histoire de France, par M. Petitot ; Paris, in-8o, 1820, t. XIII, p.38.) — Les lettrés qui proclament journellement la supériorité absolue de notre temps sur les temps passés ne s’inquiètent guère, comme le faisait Commines, des mauvais exemples que notre nation peut donner aux autres. Et cependant il suffit de parcourir dix pages, dans Joinville et dans Commines, pour constater combien le sens moral s’était amoindri, du XIIIe au XVIe siècle.