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nobles et les bourgeois, enrichis par un commerce immense, devançaient à leur tour, dans le luxe et la débauche, les autres villes de la Péninsule[1].

En France, les rois, les princes apanagés, les seigneurs suzerains et leurs courtisans, établis désormais dans les villes, donnèrent souvent le mauvais exemple dès le début de cette époque. Mais la masse de la noblesse, fidèle à ses résidences rurales, conserva d’excellentes mœurs jusqu’à la fin du XVe siècle[2]. Également apte aux travaux de la guerre et à ceux de l’agriculture, jouissant d’ailleurs d’une complète indépendance[3], elle fit souvent l’admiration des voya-

  1. « Les Florentins menèrent une vie de dissipation, ne songeant qu’à se divertir sous le régime politique qu’ils avaient établi. La jeunesse demeurait dans l’oisiveté, et consumait temps et fortune en festins somptueux, en vains plaisirs. Le luxe des habits, le jeu, les femmes, les discours frivoles, l’occupaient exclusivement. De telles mœurs appellent la servitude. » (Machiavel, cité par M. C. de Cherrier, Histoire de Charles viii ; t. Ier, p. 302.)
  2. Bayard (1476-1524) fut, à cette époque, l’un des types accomplis du gentilhomme français. Les historiens, lorsqu’ils auront repris le sentiment de leur mission, en signaleront un jour beaucoup d’autres. La chronique du Loyal Serviteur fait un charmant tableau de la famille de Bayard ; elle décrit les admirables mœurs qui s’étaient conservées, au XVe siècle, dans les modestes résidences rurales de la noblesse.
  3. « À la vérité, nos lois sont libres assez ; et le poids de la souveraineté ne touche un gentilhomme françois, à peine deux fois en sa vie… Car qui se veult tapir en son foyer et sçait conduire sa maison sans querelle et sans procez, il est aussi libre que le duc de Venise. » (Montaigne, Essais, t. Ier, xlii.)