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nirent à beaucoup d’autres l’occasion de troubler l’ordre social dans leur propre intérêt ; et de là vinrent les passions, les guerres et les massacres qui signalèrent cette triste époque. Quant aux hommes modérés, ils s’indignèrent des scandales donnés, au nom de la foi, par des catholiques et des protestants également indignes du nom de chrétiens. Peu à peu la raison révoltée fit naître parmi eux le doute, puis le scepticisme, dont la tradition était oubliée par notre race depuis la dissolution de l’empire romain. Telles furent les dispositions d’esprit dans lesquelles Michel Montaigne écrivit ses Essais (1572-1580), et Pierre Charron son traité De la Sagesse (1601)[1].

En Italie, toutes les classes dirigeantes, agglomérées dans les villes où elles se plaisaient à créer leurs somptueuses résidences, s’étaient associées aux désordres des clercs. À Rome, Alexandre vi (1492-1503) et les Borgia, abusant des revenus de l’État romain et des dons de la chrétienté, avaient reconstitué en Occident les corruptions du paganisme[2]. À Florence, les Médicis, les

  1. De la Sagesse, trois livres, par Pierre Charron, Parisien, docteur ès droits, suivant la vraye copie de Bourdeaux (de 1601), pour servir de suite aux Essais de Montaigne (sic) ; t. Ier, p.386 ; livre II, chapitre V, § 5 ; Londres, 1769, 2 vol in-12.
  2. Les vices de cette déplorable cour ont été souvent décrits. On peut consulter notamment : Histoire de Charles viii, par C. de Cherrier ; 2 vol. in-8o ; Paris, 1868, t. 1er, p. 264, et t. II, p.396.