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rables. Leur principal secret pour créer ou conserver leur indépendance fut leur fidélité au régime des domaines agglomérés, des testaments et des familles-souches. Le succès avec lequel ils résistèrent, en certains lieux, aux envahissements de la féodalité eut pour cause, outre l’organisation du foyer et de l’atelier, l’union spontanée des familles de tout rang, l’existence d’une hiérarchie sociale fondée à la fois sur la coutume et sur l’élection. Parfois aussi ce succès s’expliquait par la situation du district à la frontière de deux États puissants ou par la configuration montagneuse du sol, lorsqu’elle opposait des remparts naturels à l’invasion des conquérants[1].

Au milieu des luttes du moyen-âge, les districts de franc-alleu s’allièrent parfois aux barons du voisinage pour résister à l’oppression des suzerains. Mais, en général, ceux qui étaient enclavés dans les grands États recherchèrent avec prédilection la suzeraineté directe du roi[2]. Ils furent

  1. C’est, par exemple, sous l’influence combinée de ces deux causes que les propriétaires ruraux de la vallée d’Andorre conservent jusqu’à ce jour leur autonomie, à la limite commune de la France et de l’Espagne.
  2. Les petites communautés rurales, soumises au régime féodal (§ 11), montrèrent souvent la même tendance, lorsque les rois donnaient l’exemple de la vertu. Ainsi la communauté de Beaumont-en-Argonne, dont les institutions furent adoptées par plus de cinq cents communautés de la Champagne, passa en 1379 sous la suzeraineté directe de l’héritier de saint Louis, après avoir relevé pendant longtemps des archevêques de Reims. (L’Organisation du travail, p. 79.)