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rage et à son épée. Pour assurer la subsistance de sa maison, il cultiva avec le concours de ses domestiques une partie du sol[1], et il partagea les produits du surplus avec différentes classes de tenanciers. Au reste, en s’isolant ainsi au centre de leurs domaines, les nobles franks ne faisaient que se conformer à la coutume de leurs ancêtres[2].

À mesure qu’il s’organisait sur ses bases, le régime féodal conjurait de mieux en mieux les guerres intestines que le principe des petites souverainetés locales provoquait souvent aux époques qui précédèrent et suivirent la domination romaine. Les seigneurs groupés dans une région par les rapports de voisinage se concertèrent pour établir entre eux une hiérarchie analogue à celle qui régnait, dans chaque fief, entre le seigneur et les diverses classes de tenanciers.

  1. L’organisation du Travail, p. 77. Le lecteur qui voudra plus de défaits sur ce point fondamental de notre histoire trouvera dans la Vie des Saints ( collection latine des Bollandistes) des faits fort intéressants sur la vie rurale des nobles franks. On peut consulter notamment pour le VIe et le VIIe siècle les vies de saint Humbert (25 mars), de saint Maurant (5 mai) et de saint Médard (8 juin).
  2. On sait que les Germains ne bâtissent point de villes : ils ne souffrent pas même d’habitations réunies. Leurs demeures sont éparses, isolées, selon qu’une fontaine, un champ, un bocage, ont déterminé leur choix. Leurs villages ne sont pas, comme les nôtres, formés d’édifices contigus : chacun laisse un espace vide autour de sa maison. (Tacite, Mœurs des Germains, XVI. Voir La Constitution de l’Angleterre, t. Ier, p. 299, note.