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créer un vrai domaine rural, pas plus qu’un habile agriculteur ne pourrait le faire aujourd’hui dans les communes à vaine pâture de la Champagne (§ 6). L’activité des hommes entreprenants ne pouvait guère s’exercer qu’au détriment de la nationalité, dans des guerres intestines ou dans des expéditions lointaines. Au contraire, chez les Franks et leurs descendants, l’initiative du maître put se développer librement au profit de sa famille et de ses serviteurs sur le territoire où il exerçait les droits de souveraineté. Au fond, elles s’employèrent, dans l’intérêt des localités, à élever les fortes demeures seigneuriales, à défricher le sol et à constituer la plupart des unités rurales qui subsistent encore aujourd’hui. Le christianisme, sous l’impulsion féconde des clercs réguliers et séculiers[1], faisait en même temps son œuvre ; il épurait les mœurs des conquérants, développait chez eux la notion du devoir, et rétablissait l’union entre toutes les classes de la société.

Ce fut sous ces influences que se constitua peu à peu cette puissante organisation de la société qui eut pour fondement le fief, la tenure féodale et la famille-souche. Chaque seigneur trouva dans cette forme de propriété le moyen d’affermir l’indépendance qu’il dut d’abord à son cou-

  1. L’organisation du Travail, p. 73 et 77.